2500 détenus de droit commun (…) se sont radicalisés dans nos prisons

25 Nov 2020

 

MANUEL VALLS

« 2500 détenus de droit commun (…) se sont radicalisés dans nos prisons »

Ce 13 novembre 2020, à l’occasion de la commémoration des attentats de 2015, Manuel Valls, Premier ministre à l’époque, est intervenu sur France 2, dans l’émission « Les 4 vérités ». Au sujet de la radicalisation des détenus en prison et des problématiques que pouvait soulever leur sortie, il a affirmé qu’ils étaient plus de 2500. Des chiffres bien au-delà de la réalité.

LE CONTEXTE

Le 13 novembre 2020 marquait la journée de commémoration des attentats de Paris. A cette occasion, Manuel Valls, premier ministre au moment des faits, s’est exprimé dans plusieurs médias. Il était notamment l’invité du journaliste Guillaume Daret dans « Les 4 Vérités » sur France 2. Sur le sujet de la radicalisation, le journaliste donne d’abord le chiffre de 150 personnes condamnées pour faits de terrorisme libérés depuis 2015, et de 64 autres qui le seront en 2021. Manuel Valls donne alors une seconde information : « Il faut ajouter les 2500 détenus de droit commun qui se sont radicalisés dans nos prisons ».

 

L’EXPLICATION

Manuel Valls parle de détenus de droits communs, donc de personnes emprisonnés pour d’autres faits que le terrorisme. Et selon l’homme politique, 2500 d’entre-eux se seraient radicalisés en prison.

Dans les « Lignes directrices à l’intention des services pénitentiaires et de probation concernant la radicalisation et l’extrémisme violent », adoptées en réunion des délégués des ministres européens le 2 et 3 mars 2016, le terme de radicalisation désigne « un processus dynamique par lequel un individu accepte et soutient l’extrémisme violent de manière croissante. (…) L’extrémisme violent consiste à promouvoir, encourager ou commettre des actes pouvant mener au terrorisme et qui visent à défendre une idéologie prônant une suprématie raciale, nationale, ethnique ou religieuse ou s’opposant aux valeurs et principes fondamentaux de la démocratie.»

Et le chiffre qu’apporte Manuel Valls, c’est-à-dire 2500 détenus qui se sont radicalisés dans les prisons, pose de nombreux problèmes. Aucun rapport parlementaire ni aucune information donnée par les ministres de la Justice qui se sont succédés depuis 2019 ne font mention d’un nombre aussi élevé.D’autre part, il faut préciser que le comptage des détenus de droit commun qui se sont radicalisés en prison est très difficile.

Un rapport de l’Assemblée nationale, enregistré le 27 juin 2019, montre la difficulté pour repérer les détenus radicalisés. Au moment de sa publication, quatre estimations sont faites sur le nombre de détenus de droit commun radicalisés. L’administration pénitentiaire en dénombrait 1100, un chiffre qui était, selon eux, en baisse grâce à une prise en charge stricte. Nicolas Lerner, directeur général de la sécurité intérieure, estimait, lui, que plus de 1100 détenus étaient concernés par la radicalisation. L’UFAP-UNSa Justice, le syndicat majoritaire du ministère de la Justice, donne quant à lui une fourchette entre 1500 et 2000 détenus radicalisés. Enfin, parmi les détenus signalés pour radicalisation, entre 700 et 750 sont inscrits au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).

Le dernier rapport parlementaire sur la question, qui date du 17 juin 2020, fait quant à lui mention de « 853 personnes détenues pour des faits de droit commun identifiées comme radicalisées, dont 327 personnes détenues dont la radicalisation est avérée sont sortants dans les trois prochaines années ». Ce dénombrement a été fait par  le Service national du renseignement pénitentiaire (SNRP), organisme sous l’autorité du ministère de la Justice et chargé de lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée.

Contacté, le cabinet de M. Valls à Barcelone (Espagne) n’a pas répondu.

Le chiffre de 2500 détenus de droit commun qui se sont radicalisés dans nos prisons, donné par Manuel Valls, surpasse largement toutes les estimations apportées par les sources citées ci-dessus. Ses propos sont donc faux.

Victor Dubois-Carriat