Un hommage à une jeune policière [suicidée] a été interdit [alors que] la manifestation d’Assa Traoré a été autorisée

10 Avr 2021

 

MARINE LE PEN

« Un hommage à une policière [suicidée] a été interdit [alors que] la manifestation d’Assa Traoré a été autorisée »

Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national, a dénoncé les différences de traitement entre deux rassemblements organisés à Paris le mardi 23 mars 2021. Bien qu’elle se soit trompée dans les dates, elle compare deux manifestations, l’une en hommage au suicide d’une policière et l’autre contre les violences policières, qui ont en effet été respectivement interdite et autorisée par la préfecture de Police.

LE CONTEXTE

Invitée dans le grand entretien de la matinale de France Inter le 23 mars 2021, Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national et députée du Pas-de-Calais, était au micro de Léa Salamé et Nicolas Demorand. Elle est interrogée par ce dernier au sujet du carnaval non déclaré qui avait rassemblé plusieurs milliers de personnes à Marseille le 21 mars 2021. Marine Le Pen a abordé plus largement la thématique des manifestations et a affirmé alors : « C’est le signe qu’il y a deux poids deux mesures de la part du gouvernement selon ceux qui organisent ce type de manifestation. Typiquement le week-end dernier, il y avait une manifestation organisée pour rendre hommage au suicide d’une jeune policière. Elle a été interdite. La manifestation organisée par madame Assa Traoré, elle, a été autorisée. »

L’EXPLICATION

Contactée par FactoScope, l’attachée de presse de Marine Le Pen indique la source de la présidente du Rassemblement national. Il s’agit d’un tweet de Perrine Sallé, porte-parole de l’association des femmes des forces de l’ordre en colère (FFOC).

 

Les deux événements comparés par Marine Le Pen auraient été prévus « le week-end dernier », soit les 20 et 21 mars 2021. Il s’avère que la marche Vérité et justice pour toutes les victimes, organisée entre autres par le réseau d’entraide Vérité et justice, la Vérité pour Adama, auquel appartient Assa Traoré, s’est tenue le samedi 20 mars 2021, dans le 6e arrondissement de Paris. Des marches ont été initiées dans toute la France à la suite d’un appel lancé sur le blog Mediapart par le réseau d’entraide Vérité et justice, avec pour objectif de protester contre les violences policières et leur impunité.

Quant au rassemblement pour rendre hommage à Aurélia Carpe, policière de Sartrouville de 27 ans, qui s’est suicidée en septembre 2020, il devait avoir lieu le mercredi 10 mars 2021. Parmi les organisateurs de cet hommage, l’association Hors Service, un collectif « de policiers militants anti-suicide ». Selon les documents qui ont été fournis à FactoScope, le rassemblement avait été déclaré à la préfecture de Police comme « un regroupement statique sur trottoir », entre midi et 14 heures, sur l’esplanade des Invalides, à proximité du pont Alexandre III. Le représentant de l’association explique qu’une « trentaine de personnes participantes » a été annoncée aux autorités. 

Selon les articles L211-1 et L211-2 du code de sécurité publique, une manifestation sur la voie publique est autorisée dès lors que la déclaration a été faite au représentant de l’État, ici la préfecture de police de Paris. Toutefois, le 8 mars 2021, l’association a reçu un arrêté promulguant l’interdiction de la tenue de la manifestation, comme le prévoit à l’article L211-4 du code de sécurité publique en cas de manifestation de nature à troubler l’ordre public. Les motifs avancés pour cette interdiction sont pour des « raisons sanitaires » selon le porte-parole de Hors Service. Contactée, la préfecture de Police de Paris a refusé de nous transmettre l’arrêté n°2021-00189 portant interdiction d’une manifestation déclarée pour le mercredi 10 mars 2021.

Si les deux rassemblements évoqués n’avaient pas été prévus le même jour, Marine Le Pen a avancé qu’il y a « deux poids deux mesures selon ceux qui organisent ce type de manifestation ». L’exemple de la présidente du Rassemblement national n’était pas le bon. Mais il s’avère exact que d’autres événements se sont tenus dans les rues de la capitale le 10 mars 2021, le jour même de l’hommage interdit à la jeune policière.

Contactée à ce sujet, la préfecture de Police de Paris a répondu : « Au vu du contexte sanitaire actuel, et en application de l’article 3 du décret du 29 octobre 2020, les organisateurs des rassemblements sur la voie publique mettant en présence de manière simultanée plus de six personnes doivent adresser au préfet une déclaration avec les mentions prévues à l’article L211-2 du code de la sécurité intérieure, en y précisant les mesures qu’ils mettent en œuvre afin de garantir le respect des mesures d’hygiène et de distanciation sociale. Le préfet peut en prononcer l’interdiction si ces mesures ne sont pas de nature à permettre le respect des gestes barrières. »

Un élément que l’association Hors Service a fustigé en publiant sur Instagram une photographie d’un rassemblement qui aurait eu lieu, selon eux, « exactement à l’endroit où [leur] hommage pour Aurélia a été interdite ». Autre exemple : la manifestation statique organisée pour le 62e anniversaire du soulèvement du peuple tibétain contre l’occupation chinoise. L’association France Tibet a confirmé la tenue de l’événement le 10 mars 2021 entre 14 heures et 16 heures, place du Trocadéro à Paris.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Si Marine Le Pen a comparé deux manifestations ayant eu lieu à deux dates différentes, il s’avère exact que le rassemblement des policiers a été interdit pour raisons sanitaires alors que d’autres événements ont été autorisés sans invoquer ces mêmes motifs.

Les propos de Marine Le Pen sont donc imprécis.

Lucie Diat

Les sources à consulter