Le code de la défense prévoit de façon bien précise les attributions [du conseil de défense]. Rien que du militaire.

6 Nov 2020

 

Jean-Luc Mélenchon

« Le code de la défense prévoit de façon bien précise les attributions [du conseil de défense]. Rien que du militaire. »

Dans une tribune publiée dans Libération le 6 novembre 2020, le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a critiqué le recours au Conseil de défense par Emmanuel Macron pour lutter contre la pandémie de coronavirus. Il considère qu’il s’agit d’un abus de pouvoir. Or, la loi prévoit bien que ce Conseil puisse être utilisé par le président de la République en cas de « crise majeure ».

 

LE CONTEXTE

Vendredi 6 novembre 2020, le député La France insoumise (LFI) des Bouches-du-Rhône, Jean-Luc Mélenchon, a publié une tribune (« La mort et son régime politique », par Jean-Luc Mélenchon) dans le journal Libération, où il critique des « abus de pouvoir » du conseil de défense, dans la gestion de la crise du coronavirus. Il questionne notamment la légitimité de ce conseil en ces termes : « Mais de quel droit la pandémie est-elle traitée là ? Car le code de la défense prévoit de façon bien précise les attributions de ce conseil. Rien que du militaire. »

 

L’explication

Le conseil de défense est prévu par l’article 15 de la Constitution du 4 octobre 1958, qui indique que le président de la République « préside les conseils et comités supérieurs de la Défense nationale. » D’autres formes de conseils de défense ont existé depuis la IIIe République, mais la version actuelle est établie par le décret numéro 2009-1957 du 24 décembre 2009, qui institue le « conseil de défense et de sécurité nationale » (CDSN).

L’article 1 de ce texte prévoit aussi les attributions du conseil, son domaine de compétence, ainsi que sa composition. Son rôle est, comme son nom l’indique, de veiller à la sécurité nationale. Il est par exemple convoqué dès le 14 novembre 2015, après les attentats de la veille, ou encore le 21 avril 2017, après l’attentat des Champs-Élysées.

On retrouve ainsi, dans sa composition ordinaire, les ministres de l’Intérieur, de la Défense, de l’Économie, ou encore des Affaires étrangères. Il agit comme une Conseil des ministres restreint. Le conseil de défense a cependant la possibilité de « convoquer pour être entendue par le conseil, en formations plénières, spécialisées ou restreintes, toute personnalité en raison de sa compétence. » Les préfets ou responsables d’administrations peuvent ainsi y être invités.

Le conseil de défense a pour principale mission de garantir la sécurité nationale, surtout du point de vue militaire. Cependant, à l’article 1122-1 du décret de 2009, il est indiqué que le Conseil est aussi compétent en matière de « planification des réponses aux crises majeures ».

Le président de la République peut donc convoquer un conseil de défense dès lors qu’il considère qu’une crise majeure frappe le pays. Celle-ci peut ne pas être militaire. Emmanuel Macron a, par exemple, mis en place un « Conseil de défense écologique ». Ce conseil se donne pour mission de réunir différents ministères pour évoquer des sujets écologiques, afin de ne pas le cantonner au seul ministère de la Transition écologique. Il est ensuite devenu autonome du conseil de défense et de sécurité nationale. Il est donc possible de réunir des conseils afin de prendre des décisions qui vont au-delà des questions militaires.

Le conseil de défense est aussi critiqué par l’opposition, pour son opacité. Les participants aux réunions sont tenus au secret-défense, comme l’explique Jérôme Poirot dans son ouvrage Dictionnaire du renseignement (p. 724-726). À ce titre, Jean-Luc Mélenchon a critiqué, le 3 novembre 2020 à l’Assemblée nationale, un « comité secret », qui permet de se passer des débats parlementaires.

Or, la justice (notamment la Cour de justice de la République) peut demander la levée de ce secret défense et enquêter sur les membres du conseil. Ainsi, le 15 octobre 2020, des perquisitions ont été autorisées par la justice aux domiciles d’Agnès Buzyn (ancienne ministre de la Santé), d’Edouard Philippe (ancien Premier ministre), d’Olivier Véran (ministre de la Santé) et de Jérôme Salomon (directeur général de la Santé), dans le cadre d’une enquête sur les décisions prises durant ces conseils. De même, malgré les critiques de l’opposition parlementaire, qui estime ne pas assez faire partie des débats, le conseil de défense reste prévu par la Constitution et est encadré par des lois qui limitent ses champs d’action.

Jean-Luc Mélenchon affirme, dans sa tribune, que « le code de la défense prévoit de façon bien précise les attributions de ce conseil. Rien que du militaire ». La déclaration de Jean-Luc Mélenchon est donc fausse.

Bastien David