L’OCDE a souligné que c’étaient le Japon et la France qui étaient les mieux rentrés dans l’enseignement à distance

10 Avr 2020

 

JEAN-MICHEL BLANQUER

« L’OCDE a souligné que c’étaient le Japon et la France qui étaient les mieux rentrés dans l’enseignement à distance »

Le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse Jean-Michel Blanquer a affirmé, dimanche 5 avril 2020, que l’OCDE estimait la France et le Japon comme les pays qui sont le mieux rentrés dans l’enseignement à distance. Bien que leurs actions y soient mises en avant, le document sur lequel le ministre s’appuie ne dit pas tout à fait cela.

LE CONTEXTE

Dimanche 5 avril 2020, Jean-Michel Blanquer répondait aux questions d’Ali Baddou dans Questions politiques, sur France Inter. Interrogé sur le décrochage scolaire pouvant être accentué par le confinement, le ministre de l’Éducation nationale répondait alors que « l’OCDE [avait] souligné que c’étaient le Japon et la France qui étaient le mieux rentrés dans l’enseignement à distance ».

L’EXPLICATION

Les établissements scolaires étant fermés depuis le lundi 16 mars 2020, l’enseignement à distance permet une continuité pédagogique. En plus d’un contact permanent avec la plupart de leurs professeurs, les élèves disposent d’un certain nombre d’outils permettant d’assurer un travail quotidien. Parmi ceux-là, les parcours pédagogiques en ligne « Ma classe à la maison » proposés par le Centre national d’enseignement à distance (CNED) à destination des primaires, collégiens et lycéens est en effet salué par l’OCDE.

Sollicité par FactoScope, le service presse du ministère de l’Éducation indique que le document sur lequel s’est appuyé Jean-Michel Blanquer pour faire cette affirmation est un article de OECD Education and Skills Today (en anglais), un blog d’information de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Intitulé « A helping hand : Education responding to the coronavirus pandemic », il fait un état des lieux des conséquences du Covid-19 sur l’éducation dans le monde et propose des solutions pour contourner la fermeture généralisée des écoles. Ainsi, l’auteur donne deux exemples de pays ayant trouvé une solution efficace pour assurer la continuité des cours : la France et le Japon. En ce qui concerne la France, la plateforme « Ma classe à la maison » est bel et bien citée. Quant au Japon, l’OCDE met en exergue une plateforme « qui présente les opportunités d’apprentissage numérique que des entreprises du secteur privé ont offertes aux élèves confinés à la maison ». 

Si ce sont bien le Japon et la France qui sont les seuls pris en exemple dans cet article, il n’est écrit nulle part qu’ils sont « les mieux rentrés dans l’enseignement à distance », comme l’a assuré Jean-Michel Blanquer. Il est vrai, toutefois, que ces deux derniers sont très bien classés en ce qui concerne la possession et l’utilisation d’outils numériques pour l’usage scolaire. 

Connectés pour apprendre

La dernière publication de l’OCDE qui fait état de celles-ci, appuyée sur les résultats obtenus par son Programme international (PISA), date de 2015. Certes, cinq ans ont passé, mais le PISA est publié tous les trois ans et en différé selon les volets étudiés. Celui comprenant l’enseignement à distance n’a pas encore été diffusé. Ainsi, dans ce rapport intitulé « Connectés pour apprendre ? », on observe qu’en 2012, la moyenne des élèves ayant au moins un ordinateur à la maison dans les pays participants est de 95.8%. Le Japon est en dessous, à 92.4%. La France, quant à elle, est nettement au-dessus, avec 99.0%. Néanmoins, 14 pays ont fait mieux, notamment le Danemark qui affiche 99.9%. 

De plus, selon le 18e Baromètre du numérique de l’Arcep, « en juin 2018, 86% des Français de 12 ans et plus disposent d’une connexion à internet fixe ». Et si l’on resserre aux seuls 12-17 ans, ce sont 97% de Français qui en disposent, que ce soit sur internet ou smartphone. Enfin, il convient de rappeler la fracture numérique existant en France, notamment dans les milieux ruraux. Selon une publication de l’UFC-Que Choisir, datée de mars 2019, « ce sont ainsi 10,1 % des consommateurs qui ne disposent pas d’un Internet de qualité minimale. Quant au « bon haut débit », ce sont près de 12,8 millions de personnes qui en sont privées ». Ce qui signifie autant d’élèves potentiels ayant des difficultés à se connecter aux services mis en place pour assurer la continuité de leur cursus scolaire. La déclaration de Jean-Michel Blanquer est donc imprécise.

Dorian Le Jeune

Les sources à consulter

Arcep.fr : 18e édition du Baromètre du numérique de l’Arcep, 3 décembre 2018.
Cned.fr : présentation de « Ma classe à la maison », plateforme du Cned visant à assurer la continuité pédagogique des élèves.
Oecdedutoday.com : Article de l’OCDE suggérant des solutions à la crise en matière d’éducation, 18 mars 2020.
Oecd.org : Rapport de l’OCDE concernant l’usage du numérique dans l’éducation au niveau mondial, 2015.
Quechoisir.org : Enquête de l’UFC-Que Choisir au sujet de la qualité de l’internet fixe en France, 21 mars 2019