Sélectionner une page

Le 49 quoi ?

Le député Les Républicains (LR) Thibault Bazin intervient à la tribune pendant un débat sur la motion de censure déposée par le Rassemblement national (RN) et La France insoumise (LFI) à l’Assemblée nationale, le 31 octobre 2022. Photo : Geoffroy Van der Hasselt/AFP.

La Première ministre, Elisabeth Borne, a eu recours trois nouvelles fois au 49.3 entre le 21 et le 30 novembre 2022. Ce qui a permis de faire passer le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2023 à l’Assemblée nationale. Cet article, prévu dans la Constitution, permet au gouvernement de se passer du vote des députés, sous certaines conditions. Explications.

Par Laura Blairet et Kelvin Jinlack

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale est un rendez-vous annuel sur les bancs de l’Assemblée nationale. C’est une loi clef pour l’exécutif car elle prévoit le budget alloué à ce service public pour les douze mois à venir.

Pour l’année 2023, c’est un peu plus compliqué que les précédentes. Et pour cause : Renaissance, qui regroupe le parti présidentiel (La république en marche) et ses alliés, n’a pas de majorité absolue à l’Assemblée nationale.

Pour éviter des débats sur chacun des points qui composent le projet de loi et de longues discussions sur les amendements déposés, Elisabeth Borne, la Première ministre, a eu recours à l’article 49, alinéa 3 de la Constitution. Celui-ci, employé trois fois entre le 21 et le 30 novembre, lui, a permis de faire passer l’intégralité du projet de loi sans vote. Si on y ajoute les différentes utilisations pour le projet de loi des finances en octobre et novembre derniers, cela fait sept fois en tout que la cheffe du gouvernement se sert de cet article.

Faire passer un projet de loi sans vote et sans amendement

L’article 49 de la Constitution de 1958 porte sur la responsabilité du gouvernement vis-à-vis du Parlement, c’est-à-dire l’Assemblée nationale et le Sénat. Il est composé de quatre alinéas au total.

Le troisième alinéa prévoit la possibilité pour le gouvernement – sous la responsabilité du ou de la Premier.ère ministre – de faire passer un projet de loi sans vote et sans amendement à l’Assemblée nationale. Dès lors qu’il est utilisé, tous les débats sont suspendus. C’est parce que la responsabilité du Gouvernement est engagée que ceci est possible. 

Jusqu’en 2008, l’usage du 49.3 ne connaissait aucune restriction. Mais une réforme constitutionnelle en a limité l’usage à une seule fois par session parlementaire. Sauf s’il s’agit d’un projet de loi des finances ou de financement de la Sécurité sociale. 

L’article 49 alinéa trois est utilisé principalement pour deux raisons. La première, lorsque le gouvernement veut aller vite et ne pas être ralenti par les discussions et les amendements. La seconde, dans la configuration où le gouvernement n’a pas la majorité absolue à l’Assemblée nationale. C’est le cas pour l’actuelle mandature : depuis les législatives de juin 2022, le camp présidentiel dispose seulement d’une majorité relative.

Déjà utilisé 89 fois

Avant Elisabeth Borne, l’article 49.3 a été utilisé 89 fois sous la Ve République. C’est pour des lois en lien avec l’économie qu’il a été le plus utilisé : 29 fois rien que pour des lois finances.

Si l’opposition critique l’usage du 49.3, c’est qu’elle l’empêche d’amender le projet de loi et d’exprimer ses désaccords. L’article lui offre cependant un recours : la motion de censure.

À la suite d’une utilisation du 49.3 par le gouvernement, les députés qui souhaitent s’y opposer disposent de vingt-quatre heures pour déposer une motion de censure. Il faut que 58 députés au minimum, c’est-à-dire un dixième de l’hémicycle, signe la motion. Puis, si la majorité absolue (minimum 289 députés sur les 577) la vote, alors le projet de loi est abandonné. La responsabilité du gouvernement ayant été engagée, il devient illégitime et est renversé. 

À ce jour, une seule motion a réussi à obtenir une majorité de vote, en 1962. En 2022, c’est ce qu’a essayé de faire l’opposition et en particulier les députés La France insoumise (LFI) et Rassemblement national (RN), en vain, faute de majorité dans l’Hémicycle.

Share This