Sélectionner une page
Quand la Croatie passe à l'euro

Tous les habitants peuvent se rendre dans les banques et échanger leurs kunas contre des euros, sans commission, avec un taux de conversion fixe : 7,53 kunas équivaut à 1 euro. Photo : Léo Segura/EPJT

La Croatie a adopté l’euro comme monnaie nationale depuis le début de l’année 2023. Un passage attendu dès son adhésion à l’Union européenne. Décryptage.

 

Par Eva Pressiat et Léo SEGURA
Le 1er janvier 2023, à minuit, la Croatie est devenue le vingtième pays à adopter l’euro comme monnaie nationale. Son but : rendre son économie plus forte en délaissant la kuna, utilisée depuis 1994. Ce pays de 3,9 millions d’habitants a rejoint par la même occasion l’espace Schengen, zone de libre circulation des personnes. Adopter l’euro est une étape décisive pour la Croatie qui a pris son indépendance vis-à-vis de la Yougoslavie en 1991. Une décision que la Serbie n’a pas accepté. Quatre ans de guerre ont suivi et terrassé cet État des Balkans. 1995 : fin de la guerre. Bilan : 20 000 morts. La Croatie a su se reconstruire malgré la perte de 10 % de sa population et six ans de récession économique (de 2009 à 2015).

Aujourd’hui, la croissance du pays dépasse les 20 % et le chômage est à un niveau historiquement bas : 7,2 %. Alors pourquoi passer à l’euro ? Pour de nombreux économistes, cette transition était une question de survie pour la Croatie, État avec l’une des économies les plus faibles de l’UE. Boris Vujcic, gouverneur de la banque centrale croate (Banque nationale de Croatie, HNB), déclarait en janvier 2023 d’abandonner la kuna demeurait “la seule politique raisonnable”.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a installé une forte insécurité géopolitique. Elle a également généré une augmentation des prix de l’énergie et participe à la forte inflation qui sévit en Europe. L’inflation atteignait 12,7 % en Croatie en décembre contre 10,4 % en moyenne pour les pays de l’Union européenne. Les États-membres d’Europe de l’Est qui n’ont pas adopté l’euro (Pologne, Hongrie) sont davantage exposés à l’inflation que les autres. Passer à l’euro est donc un moyen de protéger son économie.

Mais ce changement n’est pas sans risque. La Croatie fait désormais partie d’un système monétaire qui rend ses membres interdépendants. Si l’un faillit, l’économie des autres est impactée. La Croatie est alors tenue de respecter un certain nombre de contraintes économiques. Elle pourra, sinon, faire l’objet de sanctions de la part des autorités européennes comme la mise en place de mesures d’austérité ou la mise sous tutelle économique du pays. Ce fut le cas de la Grèce en 2015 après sept ans de crise économique et une dette publique colossale.

 

Carte des différents pays qui composent la zone euro. Infographie : Léo SEGURA/EPJT

De nombreux habitants craignent une augmentation des prix mais le passage à l’euro doit permettre à la Croatie de s’assurer une meilleure santé économique sur le long terme et d’être mieux intégré au marché européen et par conséquent, au marché mondial. Les prix des produits européens sont plus facilement comparables ce qui stimule la concurrence entre entreprises et permet aux consommateurs de profiter de meilleures offres. Plus symboliquement, cela permet à la Croatie d’asseoir son identité européenne.

Une hausse du tourisme peut également être espérée. Les ressortissants étrangers qui utilisent déjà l’euro n’auront plus besoin de convertir leur monnaie et pourront directement la dépenser sur place. Seconde bonne nouvelle : plus de files d’attente pour entrer sur le territoire croate. Le pays a rejoint l’espace Schengen le 1er janvier 2023. Les touristes européens n’ont plus à présenter leur papier d’identité pour passer la frontière. Cependant, les contrôles dans les aéroports ne prendront fin qu’à partir du 26 mars 2023.

Un respect de plusieurs critères économiques

Pour adhérer à l’euro, il est impératif de respecter quatre critères de convergences économiques : une stabilité des prix, des finances publiques saines et viables, la stabilité du taux de change et des taux d’intérêt à long terme. Chaque État doit également afficher un niveau de dette et de déficit public acceptables, un sérieux de ses comptes, une lutte active contre la corruption et le blanchiment d’argent. La Croatie ne remplissait pas ces conditions à la lettre : la dette du produit intérieur brut en 2022 était supérieure au plafond fixé à 60 % et l’inflation était supérieure à la moyenne européenne. Mais le Conseil européen a tout de même statué en faveur du passage à l’euro, en juillet 2022.

Les Croates étaient déjà quelque peu familiarisés avec la monnaie européenne. Les prix étaient déjà affichés, en kuna et en euros, dès l’automne 2022. Les deux monnaies ont été acceptées dans les commerces jusqu’au 15 janvier 2023. Désormais, seules les banques acceptent les kunas jusqu’à fin 2023. Tous les habitants peuvent se rendre dans les banques et échanger leur kuna contre des euros, sans commission, avec un taux de conversion fixe : 7,53 kunas équivaut à 1 euro. Concernant les achats quotidiens, le prix de chaque produit continue d’être affiché obligatoirement en kuna et en euro. Pour prévenir d’éventuels abus de la part de vendeurs qui en profiteraient pour augmenter leurs prix, de nombreuses associations de consommateurs croates se mobilisent et traquent les arnaques.

Quel est le design de la monnaie européenne version Croatie ? Tous les pays de la zone euro possèdent les mêmes types de billets mais les pièces diffèrent suivant les États. La Croatie a opté pour une carte du pays sur les pièces de 2 euros ; le dessin d’une marte  avec le damier croate en arrière-plan sur les pièces de 1 euro, un portrait du scientifique Nikola Tesla sur les pièces de 10, 20 et 50 centimes.

Share This