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Cours de sports à la maison ou régimes spéciaux, les conseils fusent pour rester en forme et garder la ligne pendant le confinement. La pression liée au corps s’accroît. Sur les publicités ou les unes superficielles de certains magazines, tout semble être fait pour rappeler aux femmes que leur corps est un élément essentiel de leur vie sociale et qu’elles doivent s’en occuper pour rester dans la norme. Mais si les femmes en avaient assez des diktats ? Le mouvement du body positivisme est devenu viral sur les réseaux sociaux. Il prône l’acceptation de son corps tel qu’il est et de tous les corps qui existent.

Photo : Mina Storm.

Être à l’aise avec son corps, ses formes présentes ou absentes, ses caractéristiques qui nous rendent uniques, c’est le message véhiculé par le mouvement du body positivisme. Directement inspirée des réseaux sociaux, cette fierté du corps, nouvelle, intime à toutes les femmes et les hommes de souligner ce qu’ils jugent être des imperfections sans chercher à les cacher. Une société dans laquelle la norme semble aujourd’hui dépassée, ou du moins rejetée, et qui préfère mettre en avant tous les corps. Le mouvement ne critique pas le corps des femmes minces mais cherche davantage à faire passer un message essentiel : l’idée que l’on se fait de la perfection a le droit de prendre toutes les formes.

Les hashtags pour une plus grande inclusion

Inclusif, le body positivisme invite chacun à se montrer tel qu’il ou elle est, sans complexe. Avec le hashtag #thereisnowaytobeawoman (il n’y a pas de mauvaise façon d’être une femme), on comprend bien qu’aucun modèle dominant ne saurait être mis en avant par rapport aux autres. Un équilibre louable entre estime de soi et santé. C’est dans ce sens que vont tous ces selfies et vidéos que l’on peut croiser sur les réseaux sociaux, Instagram notamment. Ils déconstruisent l’idéal de beauté. En voilà un petit extrait :

Toutes ces photos s’accompagnent de légendes positives et de messages bienveillants :

« Minute motivation : soyez inspirés, vous êtes suffisamment forts pour l’emporter ! Comment allez-vous incarner une meilleure version de vous-même aujourd’hui ? »

« J’ai passé 70 % de ma journée à me sentir grosse et gonflée pour finalement immortaliser ce moment où je me suis enfin sentie à l’aise dans mon corps. Hâte de voir ce que les prochains mois me réservent ! »

« Comment votre vie a-t-elle évolué durant ces trois dernières années ? Pour ma part, j’avais 18 ans, je sortais du lycée et mon estime personnelle était pratiquement au niveau 0. Dans mon dernier post je vous raconte comment j’ai fait en sorte que tout cela change. »

Certains comptes sont parfois entièrement dédiés à cette philosophie derrière laquelle ces instagrameurs se revendiquent body positive influencers (influenceurs du body positivisme). Une floraison de hashtags s’est ainsi emparée des réseaux sociaux pour afficher des corps et parler de la relation qu’on entretient avec lui, sans tabou. Sur Instagram, on peut notamment retrouver #allbodiesaregoodbodies, #youareworthy ou encore #instacurves. #Bodypostive rassemble près de 10 millions de publications, quant à #nomakeup (sans maquillage), lancé par la chanteuse américaine Alicia Keys, ce sont près de 17 millions de résultats que l’on peut trouver sur le réseau social.

Le body positivisme, un mouvement incarné

Depuis son apparition, le mouvement s’est vu incarner par de nombreuses figures célèbres, en particulier sur Instagram. Si la plupart sont des femmes, le mouvement n’exclut pas les hommes pour autant. C’est aux États-Unis qu’elles sont les plus nombreuses à se présenter body positivistes, à l’instar des chanteuses internationales Rihanna, Beyoncé ou Alicia Keys. Cette dernière s’affiche souvent sans maquillage. Mais d’autres personnalités se sont justement fait connaître grâce au mouvement.

C’est notamment le cas d’Ashley Graham, mannequin américaine. Si elle a toujours ouvertement affiché ses rondeurs, elle refuse qu’on la qualifie de mannequin « grande taille ». Selon les chiffres, son corps et sa taille correspondent bien plus à ceux de la majorité des femmes que la plupart des mannequins qualifiés de « standards ». L’expression « grande taille » implique qu’on colle à Ashley Graham une étiquette sous prétexte qu’elle ne rentre pas dans un 32 ou 34. Elle souhaite être considérée simplement comme une mannequin. Elle a posé pour plusieurs magazines internationaux et a même servi de modèle pour sa propre poupée Barbie.

L’actrice américaine Lena Dunham prône, tout comme Ashley Graham, l’acceptation de son corps, de ses rondeurs et de ses imperfections sur Instagram. Elle profite du mouvement pour évoquer un autre sujet lié au corps : l’endométriose. Le body positivisme représente l’occasion pour les personnes ayant vu leur corps changer à cause de la maladie de s’accepter plus facilement.

Assumer son corps, c’est s’assumer entièrement et donc être fière de ce qui fait notre différence.

De la même manière, Ericka Hart est devenue une figure du body positivisme. Cette New-Yorkaise a subi une double mastectomie à la suite d’un cancer du sein et a eu recours à une chirurgie reconstructrice. Elle a décidé de se présenter topless (seins nus) à certains événements, comme le festival Afropunk en 2016. L’objectif : montrer sa guérison tout en prônant la fierté d’un corps même changé. Mais plus encore, les photos d’Ericka Hart seins nus sont venues combler un vide. Les femmes noires dans les campagnes sur le cancer du sein sont largement sous représentées.

Grossesse et accouchement sont aussi pour les femmes le signe de modifications corporelles. La mannequin Chrissy Teigen, ou encore l’actrice Drew Barrymore, ont assumé pleinement leurs changements physiques. Sur Instagram une nouvelle fois, leurs posts les mettent en scène, fières de leur nouveau corps. Elles diffusent l’idée que vouloir à tout prix retrouver un physique antérieur à une grossesse ne doit pas être systématique.

Du côté européen, il semble que le body positivisme soit plus timide. Les clips « Les Passantes » ou « Balance ton quoi » réalisés par Charlotte Abramow sont déjà une belle impulsion du mouvement chez les Francophones. Dans le premier, la réalisatrice a choisi de représenter toutes les femmes : tous les âges, toutes les ethnies, tous les corps.

Mais si Instagram correspond à l’espace préféré du body positivisme américain, il semble que le YouTube français se soit emparé du mouvement. Depuis 2016, la YouTubeuse Léa Bordier a développé la série « Cher Corps ». Chacune de ses vidéos est un portrait, entre cinq et quinze minutes, d’une femme qui parle de son rapport au corps. Les participantes sont d’origines diverses et présentent des parcours variés. En partant de certains de ces témoignages, Léa Bordier a même sorti un roman graphique lui-même intitulé Cher Corps. Voici l’exemple de l’une des vidéos postées sur sa chaîne, mettant en scène Juliette, membre du groupe de musique L.E.J. :

En suivant le même principe, d’autres vidéastes féminines ont, sur leur propre chaîne, décidé de parler ouvertement de leur corps, des difficultés à s’assumer. On peut prendre l’exemple de la vidéo « CHER CORPS, pardonnes-moi… » de la YouTubeuse Romy publiée le 30 mars 2019 ou encore la vidéo « MON CORPS » de la YouTubeuse Coucou les girls publiée le 16 juin 2019.

Bien que le mouvement soit surtout développé aux États-Unis, les exemples de figures françaises body positivistes se multiplient. Le propos est clair : assumer son corps, c’est s’assumer entièrement et donc être fière de ce qui fait notre différence. C’est ainsi que, si les représentants et représentantes du mouvement sont multiples, les manières de le représenter le sont aussi. Les incarnations du body positivisme sont donc infinies.

Quand la publicité et les marques ne cachent plus la réalité

Peut-être avez-vous déjà pu apercevoir récemment des vergetures, des grains de beauté ou encore de la cellulite sur les corps des mannequins ? C’est désormais un créneau adopté par de nombreuses marques qui souhaitent représenter les femmes telles qu’elles sont. Ainsi, la célèbre marque londonienne de prêt-à-porter en ligne Asos ne photoshoppe plus les vergetures de ses mannequins. Il en va de même pour la marque britannique Neon Moon qui ne demande plus à ses modèles de s’épiler.

Les corps représentés dans la publicité sont plus authentiques et fidèles à la réalité. Les profils des mannequins se diversifient. C’est notamment le cas pour la marque Céline avec sa nouvelle égérie : l’octogénaire Joan Didion, écrivaine, journaliste et romancière américaine. Depuis longtemps, la marque anglaise Dove choisit elle aussi de faire poser des femmes non-professionnelles plutôt que des mannequins dans ses campagnes publicitaires. Delphine Leroyer, responsable de la marque en France, l’explique : « S’affranchir des diktats imposés par la société est primordial, car notre rôle n’est pas de complexer les femmes mais au contraire de les faire se sentir belles. C’est pour cela que nous médiatisons une beauté multiple, diverse et sans frontières. »

Plus représentatives de la société, les marques font donc aujourd’hui le pari de mettre en valeur toutes les femmes. Jusqu’ici, alors que les femmes noires devaient se diriger vers des enseignes spécialisées pour trouver du maquillage adapté à leur carnation, la marque Fenty Beauty lancée par la Rihanna connaît un succès colossal en proposant un éventail de quarante nuances de fond de teint. La célèbre chanteuse américaine a d’ailleurs lancé en avant-première le 24 mai 2019 à Paris une collaboration inédite entre sa marque et le groupe LVMH. Une ligne novatrice streetwear / tailoring (ce qu’on porte dans la rue / haute couture) accompagnée d’un discours inclusif où toutes les femmes, toutes les couleurs de peau et toutes les tailles ont droit de cité.

Cette récente prise de position chez les marques ne se fait pas sans commentaires. Beaucoup de détracteurs s’accordent à dire que celles-ci utilisent le body positivisme comme un nouvel argument qui fait vendre, notamment auprès des jeunes. Éléments de communication ou non, le principe commence à faire son chemin dans la société.

Louise Gressier et Manon Van Overbeck

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