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Loi immigration

L’étau se resserre sur les étrangers

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, lors d’un débat sur le projet de loi visant à contrôler l’immigration, à l’Assemblée nationale française, le 19 décembre 2023. Photo Ludovic Marin/AFP

 La « loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » promulguée le 26 janvier dernier intègre plusieurs durcissements par rapport au texte initial. Les principales dispositions concernées sont les métiers en tension et les demandes d’asile.
Par Clara Demajean et Samia El Achraki

T rès attendue, la loi immigration fait parler d’elle depuis son annonce en automne 2022. Des 86 articles initiaux votés au parlement, il en reste 51. Si elle a suscité autant de débats, c’est parce qu’elle touche une part significative de la population. Près de 7 millions d’immigrés vivent en France en 2022, soit 10,3 % de la population totale. Si la délivrance de visas a augmenté de 40% en 2023, les acquisitions de la nationalité française ont, elles, diminué de 22%, selon les données provisoires du rapport annuel de la Direction générale des étrangers en France.

Des titres de séjour plus sélectifs

La loi entend faciliter l’éloignement des étrangers qui représentent une menace grave pour l’ordre public. Cette menace devient un motif de non-renouvellement ou de retrait de la carte de résident. Parallèlement, le juge pourra plus largement prononcer une interdiction du territoire français (ITF). Par ailleurs, la loi supprime les protections dont bénéficient certains étrangers irréguliers (étranger arrivé en France avant ses 13 ans, conjoint de Français…) contre une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Les changements de la loi immigration concernant les titres de séjour. Réalisé par Clara Demajean/EPJT

Plus de possibilités d’expulsions

La loi permettra d’expulser des étrangers réguliers, même présents depuis longtemps en France ou y ayant des liens personnels et familiaux, s’ils sont condamnés notamment pour des crimes ou délits passibles d’au moins trois ou cinq ans de prison (selon la situation de l’étranger), ou impliqués dans des violences contre des élus ou des agents publics. Le projet initial de la loi touchait uniquement les étrangers passibles de 5 ans ou plus de prison.

Nuance : les étrangers visés par une OQTF et qui sont dans l’impossibilité de quitter la France (ex : en cas de guerre dans leur pays) pourront être assignés à résidence pendant trois ans maximum (contre un an aujourd’hui), sous certaines réserves émises par le Conseil constitutionnel.

Les changements de la loi immigration concernant les possibilités d’éloignement des étrangers. Réalisé par Clara Demajean/EPJT

Une meilleure intégration

Le volet œuvrant pour l’intégration des étrangers en France se traduit principalement par :

  • une première mesure qui n’a jamais fait partie du texte de loi initial. Elle prévoit d’imposer à tout demandeur de titre de séjour de souscrire « un contrat d’engagement aux principes de la République ».
  • une deuxième mesure durcie par rapport à sa première version. Un demandeur de titre de séjour doit désormais obtenir des résultats spécifiques en langue française, conformément au cadre européen de référence pour les langues.

 

Les changements du volet « meilleure intégration » de la loi immigration. Réalisé par Samia Elachraki/EPJT

Les métiers en tension

Il s’agit surtout de domaines confrontés à des difficultés de recrutement. Des secteurs aussi variés que la restauration, le BTP ou l’entretien sont concernés. Le projet de loi prévoit la possibilité de régulariser la situation des travailleurs sans papiers, souvent employés dans des conditions précaires. La condition : justifier d’au moins douze mois de travail, contre huit mois dans le texte initial. Près de 150 000 travailleurs immigrés en situation administrative irrégulière sont directement concernés. En cas d’emploi illégal, les employeurs encourent des sanctions financières doublées.

Les changements de la loi immigration concernant les métiers en tension. Réalisé par Samia Elachraki/EPJT

Le droit d’asile

La loi prévoit le déploiement progressif de pôles territoriaux dénommés « France asile » après mise en place de trois sites pilotes, en remplacement des guichets uniques d’accueil des demandeurs d’asile (Guda). Ces pôles permettront en un même lieu l’enregistrement du demandeur d’asile par la préfecture, l’ouverture de droits par l’Office français de l’immigration et l’intégration (OFII) et l’introduction de la demande auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). L’organisation de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) est aussi réformée, avec la création de chambres territoriales de la CNDA et la généralisation du juge unique.

Les changements de la loi immigration concernant l’asile. Réalisé par Clara Demajean/EPJT

Si cette loi va globalement vers un durcissement général, certaines mesures vont au contraire simplifier la vie des étrangers, comme en témoigne la réforme de la CNDA. En effet, cette dernière rend les démarches administratives beaucoup plus simples donc rapides. En décentralisant l’offre, les concernés auront plus facilement accès aux structures.

Défendu par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, le texte d’origine était présenté comme un compromis entre un contrôle accru de l’immigration et une meilleure intégration. Mais les nombreux ajouts de la majorité de droite et du centre au Sénat ont durci l’orientation du texte. Certaines articles ont été supprimés, d’autres, censurés mais le durcissement est toujours patent.

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