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Trêve hivernale

Des exceptions à la protection

L’augmentation du prix du logement est la principale cause d’expulsion en France. Or ce prix n’a fait que croître depuis vingt ans, quelque 154 % d’après un rapport de la Fondation Abbé-Pierre qui date de 2022. Photo : Jane Coville/EPJT

Jusqu’au 31 mars, dans le cadre de la trêve hivernale, les propriétaires ne peuvent pas expulser les locataires de leur logement à cause du froid. Il existe toutefois des exceptions pour lesquelles certaines personnes ne sont pas protégées.

 

Par Jane Coville et Arnaud Fischer
Dans son rapport sur l’année 2022, l’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels affirme que 40 % des expulsions ont eu lieu pendant la trêve hivernale et cela alors que c’est illégal. La trêve hivernale interdit, entre le 1er novembre et le 31 mars de l’année suivante, à un propriétaire bailleur d’expulser son locataire de son logement, notamment pour cause d’impayés successifs. Elle vise à protéger les locataires les plus vulnérables pendant la période hivernale. Elle date de 1954, après un appel de l’abbé Pierre et a été inscrite dans la loi en 1956. Initialement fixée du 1er décembre au 15 mars, elle a été étendue à plusieurs reprises, jusqu’à être définitivement établie du 1er novembre au 31 mars après la promulgation de la loi Alur du 24 mars 2014.

En 2008, s’ajoute à la trêve hivernale la trêve énergétique. Le locataire est, depuis lors, aussi protégé contre les coupures d’énergie en cas de factures impayées pendant cette période. Si le bailleur procède à la coupure de l’électricité, du gaz et de l’eau au sein de sa location, le locataire est en droit de porter plainte contre lui. Les fournisseurs d’électricité peuvent néanmoins procéder à une réduction de puissance. Dans certaines circonstances, et notamment en période de crise sanitaire, le gouvernement peut décider de prolonger la trêve hivernale. Par exemple, en 2020, pendant la crise du Covid-19, la trêve hivernale a été maintenue jusqu’au 10 juillet. En 2021, elle a été prolongée jusqu’au 31 mai. 

Même lorsque les expulsions sont suspendues pendant cinq mois, les propriétaires peuvent envoyer un commandement de payer aux locataires ou demander un jugement d’expulsion. Dans le cas où la procédure aboutit, son exécution sera reportée après la trêve.

Le propriétaire qui ne respecte pas la trêve hivernale et qui essaie de forcer le locataire à quitter les lieux durant cette période commet un délit. Cet acte peut être puni d’une peine de prison allant jusqu’à trois ans et 30 000 euros d’amende. 

Frise chronologique des grandes dates de l’évolution de la trêve hivernale en France. Infographie : Arnaud Fischer/EPJT

Mais il existe quelques exceptions à la trêve hivernale dans lesquelles certaines personnes ne sont pas protégées. C’est le cas notamment des squatteurs. Lorsqu’ils occupent un domicile – principal ou secondaire – un garage ou un terrain, le juge qui prononce l’expulsion peut décider de supprimer la trêve hivernale ou d’en réduire la durée. D’autres exceptions concernent les époux, les partenaires de Pacs ou les concubins violents dans le couple ou sur un enfant et dont l’expulsion du domicile familial a été ordonnée par le juge aux affaires familiales. Ils ne sont pas non plus protégés par la trêve hivernale. 

Les rares nuitées hôtelières proposées à une minorité de personnes expulsées n’ont fait

que repousser de quelques jours le risque de se retrouver à la rue.

Enfin, peuvent aussi être expulsées les « personnes bénéficiant d’un relogement correspondant à leurs besoins familiaux ». Concrètement, un propriétaire peut exiger l’expulsion des habitants de son logement à condition que ces derniers aient une solution de repli, en adéquation avec leurs besoins. Grâce à une instruction ministérielle du 26 avril 2021, une famille faisant face à des irrégularités de logement doit bénéficier d’une solution de relogement ou d’hébergement à l’issue de son expulsion. 

Cependant, ces solutions de relogement sont loin d’être efficaces. Les rares nuitées hôtelières proposées à une minorité de personnes expulsées n’ont fait que repousser de quelques jours le risque qu’elles se retrouvent à la rue selon le rapport annuel de L’état du mal-logement en France en 2022 de la Fondation Abbé-Pierre. 

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