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Conseil Constitutionnel

Les sages valident le passage en force

Malgré quatorze journées de mobilisation, l’opposition n’est pas parvenue à faire plier le gouvernement. Photo : Dorian Gallais/EPJT

Le 3 mai 2023, le Conseil constitutionnel a une fois de plus douché les espoirs des opposants à la réforme des retraites. Récapitulatif des recours sur lesquels il a dû se prononcer depuis la fin des débats parlementaires.

 

Par Camélia Aïdaoui et Dorian Gallais
Adoptée au parlement grâce à l’utilisation de l’article 49-3 de la Constitution, la réforme des retraites a été promulguée le 14 avril 2023. Les opposants au texte et la majorité se sont alors tournés vers le Conseil constitutionnel, pour tenter de faire annuler cette loi pour les premiers, de le légitimer pour les seconds.

Mais d’abord, qu’est-ce que c’est que le Conseil constitutionnel ?

Il s’agit de la plus haute institution de l’ordre juridique français. Créé par la Constitution de la Ve République, promulguée le 4 octobre 1958, son rôle est de veiller au respect du texte.

Depuis 2016, le Conseil constitutionnel a pour président Laurent Fabius, ancien Premier ministre socialiste et ancien président de l’Assemblée nationale. Il est composé de 9 membres nommés pour neuf ans et il est renouvelé par tiers tous les trois ans. Les anciens présidents de la République sont également membres de droit et peuvent siéger au Conseil. Trois des membres sont nommés par le président de la République, trois par le président de l’Assemblée nationale et trois par le président du Sénat.

Actuellement, le Conseil constitutionnel se compose comme suit

Quand il est saisi, le Conseil constitutionnel doit se prononcer sur la conformité d’un texte de loi à la Constitution.

Le 14 avril 2023, le projet de réforme des retraites du gouvernement a été validé par le Conseil constitutionnel. Celui-ci avait été saisi par la Première ministre, Élisabeth Borne, qui souhaitait que la décision favorable des sages donne un légitimité à son projet de loi très contesté et que la réforme soit adoptée « dans les meilleurs délais ».

Depuis la réforme constitutionnelle de 1974, les parlementaires peuvent également saisir le Conseil constitutionnel. La saisine doit regrouper au moins soixante élus. Plusieurs autres saisines ont donc été portées par des parlementaires opposés à la réforme, parmi lesquels, les députés et les sénateurs de gauche et ceux du Rassemblement national.

Bon nombre d’opposants au texte plaçaient entre les mains du Conseil constitutionnel leurs derniers espoirs de voir tomber la réforme. Finalement, hormis quelques articles, l’essentiel du projet de loi a été approuvé par « les sages ».

La première saisine de l’opposition portait sur l’utilisation de de l’article 47-1 de la Constitution par le gouvernement. Celui-ci s’applique aux lois de financement rectificative de la Sécurité sociale. Pour les parlementaires opposés à la réforme qui ont saisi le Conseil constitutionnel, cet article ne peut s’appliquer qu’à des « situations d’urgence, à des circonstances exceptionnelles ou à la correction de déséquilibres financiers majeurs ». Selon eux, ces conditions ne sont pas remplies dans le cas de la réforme des retraites.

La saisine de Conseil constitutionnel précise que le recours à l’article 47-1 de la Constitution constitue « un détournement de procédure dans le seul but de permettre au gouvernement de bénéficier des conditions d’examen accéléré prévues à l’article 47-1 de la Constitution, alors qu’une réforme de cette nature aurait dû être examinée selon la procédure législative ordinaire ».

Les sages ont rejeté ces arguments en s’appuyant sur le Code de la Sécurité sociale. Ils ont affirmé que, conformément à la Constitution, le gouvernement a le pouvoir de décider ce qui relevait de projets de loi de financement de la Sécurité sociale.

Parmi les motifs des différentes saisines figurait également l’utilisation de l’article 44-3 de la Constitution. Ce dernier dispose que « si le gouvernement le demande, l’assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement ».

Pour le cas de la réforme des retraites, cet article a été invoqué par le gouvernement au moment du passage du texte devant le Sénat. Ainsi, le projet de loi a fait l’objet de ce que l’on appelle un « vote bloqué », c’est-à-dire que les sénateurs ont dû voter le texte proposé par le gouvernement sans qu’aucune modification ne puisse être proposée par l’opposition.

Ici, le Conseil constitutionnel a considéré que le gouvernement n’a « pas fait obstacle à la discussion de chacune des dispositions du texte sur lequel il était demandé au Sénat de se prononcer par un seul vote ».

L’autre recours engagé par l’opposition était l’organisation d’un référendum d’initiative partagée (RIP). Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, l’article 11 de la Constitution prévoit la possibilité d’organiser une consultation populaire sur une proposition de loi. Une première demande de RIP avait été déposée par plus de 250 parlementaires pour soumettre au vote des Français une proposition de loi établissant que l’âge légal de départ à la retraite ne pouvait pas dépasser les 62 ans.
La seconde demande de RIP, comprenant davantage d’arguments juridiques, proposait d’« interdire un âge légal de départ à la retraite supérieur à 62 ans ».

Le Conseil constitutionnel a rejeté ces demandes, arguant que la demande de référendum  « ne porte pas, au sens de l’article 11 de la Constitution, sur une réforme relative à la politique sociale ».

Toutefois, certaines mesures de la réforme ont été censurées par les conseillers constitutionnels : l’index senior, du CDI senior, mais aussi du suivi médical spécifique pour les salariés exposés à des facteurs de pénibilité ont été retoqués au motif qu’ils s’agissait de dispositions qui étaient hors du champ financier et donc non conformes aux dispositions de l’article 47-1 invoqué par le gouvernement.

Fallait-il en attendre plus ?

Il est important de garder à l’esprit que la création du Conseil constitutionnel a été décidée par Charles De Gaulle et Michel Debré pour contrer le parlement. Même si son rôle a évolué et qu’il peut devenir une arme aussi pour le parlement, il n’en reste pas moins un outil du gouvernement.

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